Billets qui ont 'La Roche Bernard' comme ville.

La Roche Bernard - Rieux

Bien dormi. Un tapis de sol, ça change tout : je me souviens encore des nuits où les côtes comptaient chaque brindille, chaque minuscule caillou sous le sac de couchage… Un tapis de sol et un oreiller gonflable et le camping devient aussi confortable qu'un lit.

Surprise au petit déjeuner: les confitures sont réellement maison — pour soixante rameurs! Ce sont des merveilles: figues-cardamone, fraises-vinaigre balsamique, tomates vertes-citron, potiron (sans goût mais si jolie), marmelade de coing… C'est fantastique.
La rigolade du matin, c'est le pliage des tentes: la mienne se plie comme elle se déplie, mais les tentes montage instantané sont quasi irrepliables: le terrain présente des campeurs plantés comme des piquets, découragés devant leur tente…

Il fait gris. Nous devons ramer jusqu'au barrage d'Arzal puis remonter la Vilaine jusqu'au Port de Foleux.
«N'arrivez pas trop vite, sinon nous n'aurons pas fini de préparer le déjeuner!»
Mise à l'eau toujours un peu périlleuse sur des pontons qui ne sont prévus pour nos bateaux. Ne pas abîmer le matériel, ne blesser personne…

Je prends la nage. Nous avons "hérité" d'un rameur de l'ACBB puisque l'un des rameurs (une rameuse) de Neuilly a retrouvé ses anciens amis d'Andrésy («club du confluent» — Confluent de quoi et quoi? — Entre la Seine et l'Oise.) (De même, j'ai retrouvé un rameur melunois venu avec les rameurs de Port Marly où rame sa compagne. Mélanges et retrouvailles.) Le plan d'eau est très calme. Des voiliers d'une dizaine de mètres, voiles repliées, nous suivent. J'apprends qu'en France, il n'y a pas de permis pour les voiliers, n'importe qui peut en louer un (en théorie: d'après Jean-Pierre, les loueurs vérifient l'aptitude des amateurs en utilisant du jargon technique: ils tiennent malgré tout à leurs bateaux).
Pour sortir de la Vilaine et rejoindre la mer il faut passer une écluse, mais le mouillage à La Roche-Bernard revient moins cher. Beaucoup de voiliers ne sortent plus de la Vilaine, le lit élargi leur permettant d'évoluer à leur guise.

C'est aujourd'hui que nous ramerons le plus. 21,6 km ce matin, 18 km l'après-midi. Philippe a choisi pour nous la vieille Caron, une yolette en bois qui a une cinquantaine d'années. Je suis heureusement surprise par ce choix d'amoureux des bateaux, j'apprendrais plus tard qu'il appartient à la Marine.
Au bout de quelques kilomètres, les hiérarchies s'établissent entre les douze yolettes, nous sommes dans le premier quart. Je suis la seule fille du bateau et un équipage inverse (quatre filles, un garçon) énervera beaucoup Pascal: il vient d'Arcachon et rame habituellement en yole de mer. Leur chef de nage est une jeune blondinette bronzée (sans doute la plus jeune de la rando), leur coup de pelle est léger comme un rêve et d'un ensemble magnifique à voir, et leur bateau nous devancera systématiquement, malgré tout les efforts de Pascal tenant absolument à "tirer des coups" en suivant notre vitesse instantanée grâce à la montre d'Olivier, bref, comique et insupportable dans sa volonté d'être premier (ce n'est pas du tout l'objet de la randonnée).

Port de Foleux pour déjeuner. Evaluation des coup de soleil et des blessures (plaie au mollet, dans l'ensemble ça va).
Sieste. Départ. Le ciel s'est dégagé, il fait très beau. Il y a un vent suffisamment important pour que pelles en l'air au carré (verticales), nous avancions à trois km/heure! C'est un exercice d'équilibre très amusant. Le paysage a changé: après les rochers vers la mer, puis les forêts en amont de La Roche Bernard, voici la plaine. Aucune habitation à l'horizon, mais de loin en loin des pêcheurs à la ligne, de plus en plus nombreux à mesure que nous approcherons de Rieux (sans doute un concours).

Camping de Rieux. Montage des tentes, douche. Je suis fatiguée. Ma grande inquiétude est de savoir si je tiendrai les quatre jours, je n'ai encore jamais ramé quatre jours de suite. Je redoute les courbatures.

Il n'y avait pas d'alcool à midi mais ce soir c'est cidre et galettes (un peu sur le principe allemand: une saucisse dans une galette comme les Allemands mettent une saucisse dans un petit pain). Nous faisons connaissance. En face de moi Suzanne vient de Boston. Elle est menue, la soixantaine, elle est professeur, a des amis à Toulouse où elle a habité il y a quelques années. Elle visite la France et parfait son français uniquement par des randonnées d'aviron. A côté, Isabelle, brune discrète au beau visage fin, est spécialiste de langue mongole (!)
Il fait frais. Crêpe au caramel au beurre salé.


La Vilaine à neuf heures moins vingt:





Ce soir c'est feu d'artifice et bal. Je tombe de sommeil. Je vais me coucher. Friction au synthol. Tard dans la nuit, vers trois heures du matin, j'entendrai la sono au loin (mais j'ai des boules quiès). La nuit est très claire, j'entrevois le chemin de St Jacques (toujours je le noterai).

Nantes-La Roche Bernard à l'arraché

Préparation du sac en catastrophe. Tout n'entre pas dans le sac de sport que j'avais prévu, je change pour un sac à dos, finalement j'ai trop de place, je n'aurais jamais dû attendre le dernier moment pour préparer mes affaires, je ne sais qu'emmener: quatre nuits, quatre jours de rame, que me faut-il? Au dernier moment je dégotte un K-way, je renonce à un pull, crèmes solaires, Vicks, lampe de poche, clé de dix, je m'apercevrai au fur à mesure que j'ai prévu trop court en t-shirts pour ramer et pas assez "élégant" — toutes choses égales par ailleurs — pour le soir. (J'écris cela de retour, après coup: narrateur omniscient.)

Dans le bus qui m'emmène à la gare, je découvre en discutant que je vais rentrer mardi soir dans une maison vide et que je n'ai pas pris mes clés (pour ne pas les perdre). J'appelle O. pour qu'il aille tout de suite les déposer chez les voisins.

RER, métro, correspondance avec mon sac à dos encombrant dont dépasse le tapis de sol. Il faut viser le milieu des portes pour passer en largeur.
TGV, Ada. J'achète misérablement de quoi déjeuner, je n'ai pas pris le temps de me préparer un sandwich, nous devons déjeuner ensemble au club à midi, mon train arrive à 12h12.
Bus, un, deux, j'ai étudié le trajets avant de partir, il y a des travaux dans la ville, je ne sais pas à quel arrêt descendre, le conducteur non plus. J'ai l'adresse du club, je sais où il se trouve sur la carte, je suis sur une appli du smartphone le trajet du bus, je descends au jugé.
Je marche. Jean-Pierre m'appelle, où suis-je, on m'attend, les organisateurs s'inquiètent (à l'aviron, une absence pénalise tout un bateau, c'est comme un sport d'équipe — sans les remplaçants), je cache mal mon agacement: je me suis tout de même beaucoup débrouillée toute seule sans beaucoup (je pense: aucune) d'indication ou de conseils, il est bien temps de s'inquiéter de moi à une demi-heure du départ!

Club sur l'Erdre à Nantes. Bus pour La Roche Bernard à l'embouchure de la Vilaine. Camping. Lieu calme et magnifique (tout le week-end nous nous déplacerons de camping en camping, calmes et magnifiques, comme neufs. Sans doute un peu trop calmes pour moi. Qu'est-ce donc que passer ses vacances dans de tels endroits? Mourir d'ennui, apprendre la sagesse.)
Descendre les yolettes des remorques, remonter les portants, transporter les pelles. Clé de dix.
Montage des tentes. La mienne a vingt-cinq ans, certes, mais je ne m'attendais pas à ce qu'elle fut strictement seule de son espèce, canadienne en tipi avec un pilier central. Toutes les autres sont des tentes qui "se jettent", se déplient avec une grande facilité. Gros débat pour savoir qui ronfle.
Promenade dans la ville. J'hésite à acheter des cartes postales, elles me paraissent trop "bretonnes". J'ai tort : je n'en trouverai plus durant le périple.

Le soir l'équipe fait l'appel. Trois Hollandais, une Américaine de Boston. Le soleil se couche, on est bien.
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